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Vous avez dit cryptomonnaies ? Pour la majorité, c’est de la fiction, pour d’autres, c’est déjà une réalité

Article Jurisvin

Diffusion
Jurisvin

Date de validation
mars 2022

Ces derniers mois, la presse viticole s’est fait le relais des paiements en cryptomonnaies dans le e-commerce du vin en France, dans les transactions opérées par certains négociants, dans les transactions initiées lors de ventes aux enchères de vins rares… Mais « poussons le bouchon un peu plus loin » : quid de la vente d’une parcelle de vigne dont tout ou partie du montant est réglée en bitcoins ? Quid d’un apport en capital de cryptoactifs ou de cryptomonnaies ? Et pourquoi pas un apport en compte courant d’associé ? Quid de la transmission de ces actifs ?

Même si elle n’est encore que marginale, la question de la cryptomonnaie et de sa prise en compte dans le patrimoine professionnel et personnel commence à émerger. Par extension, il est important que le rouage juridique qui l’encadre protège les différents usagers. Ces actifs virtuels sont-ils assimilables à des actifs classiques, comment les intégrer dans les actes notariés ?

C’est notamment une des questions qui sera posée et débattue lors du Congrès des notaires de France qui se déroule à Nice du 23 au 25 septembre 2021, dont le thème est « Le numérique, l’homme et le droit ». Selon Cédric Pommier, notaire à Albertville et président de la 2e Commission du Congrès des notaires de France « La question recouvre deux aspects : les modes de détention et la valorisation de ces actifs. Les premiers sont épars et les secondes se révèlent volatiles. » A terme, la profession va être confrontée à l’enjeu de l’intégration des cryptomonnaies et plus largement l’intégration des actifs dématérialisés dans le patrimoine. C’est notre mission de chercher la réponse ». Les enjeux sont importants.

1/La qualification de l’apport de cryptoactifs notamment de cryptomonnaies, soulève des interrogations.

On retrouve ici les conséquences de la détermination d’une qualification sur l’objet de l’apport : s’agit-il d’un apport en numéraire si on assimile une cryptomonnaie à une monnaie ? D’un apport sui generis de bien meuble incorporel singulier ?

Aux termes de l’article 1843-3 du Code civil, les associés sont tenus de réaliser leurs apports en nature, en numéraire ou en industrie. Sauf à reconnaître aux cryptomonnaies la qualification de monnaie ayant cours légal étatique ou supra étatique – ce que la doctrine majoritaire et les autorités nationales bancaires ou financières leur dénient– l’apport en numéraire paraît réservé à l’apport de somme d’argent. Pour certains auteurs, il ne pourrait s’agir alors pour le détenteur de bitcoins ou de monnaies virtuelles équivalentes, que d’un apport en nature, ce qui pose le problème de la fixation de sa valeur, essentielle à la détermination du nombre de parts sociales ou d’actions de l’apporteur.

2/La pérennité de la valeur de l’actif apporté fait aussi débat.

L’évaluation des unités, pseudo devises, apportées est certes possible à un instant donné, mais cette valorisation peut changer au fil des minutes le même jour. Pour reprendre l’expression de Mme Houin-Bressand (professeur à l’université de Lorraine), « l’évolution possible du cours de la devise dès le moment de son transfert au profit de la société, rend ce type d’apport extrêmement aléatoire et donc inadapté à la constitution d’un capital social stable, susceptible de conférer une assise financière fiable à la société ». L’instabilité de la valeur apportée rejaillit au surplus sur la validité même de l’apport, puisque l’on sait que l’apport fictif est prohibé. On le constate, le patrimoine professionnel n’échappe pas à l’influence du numérique. Les notaires s’engagent vers une réflexion inédite sur le numérique pour anticiper les impacts sur la personne, le patrimoine et les contrats

Source: Article rédigé dans le cadre du Congrès national des notaires en 2021 et paru dans Réussir Vigne la même année, disponible sur le site https://www.reussir.fr

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